Kammapa et Litaolané

"On dit qu'autrefois tous les hommes périrent. Un animal prodigieux, qu'on nomme Kammapa, les dévora, grands et petits. Cette bête était horrible, il y avait une distance si grande, si grande, d'une extrémité de son corps à l'autre, que les yeux les plus perçants pouvaient à peine l'embrasser tout entière.

Il ne resta sur la terre qu'une femme qui échappa à la férocité de Kammapa, Elle se tenait soigneusement cachée. Cette femme conçut et elle enfanta un fils dans une vieille étable à veaux. Elle fut très surprise, en le considérant de près, de lui trouver au cou des amulettes divinatoires. – Puisqu'il en est ainsi, dit-elle, son nom sera Litaolané, le Divin. Pauvre enfant ! Dans quel temps est-il né ! Comment échappera-t-il à Kammapa ? Que lui serviront ses amulettes ?

Elle parlait ainsi en ramassant dehors quelques brins de fumier qui devaient servir de couche à son nourrisson. En rentrant dans l'étable, elle faillit mourir de surprise et d'effroi. L'enfant était déjà parvenu à la stature d'un homme fait et il proférait des discours pleins de sagesse. Il sort aussitôt et s'étonne de la solitude qui règne autour de lui. – Ma mère, dit-il, où sont les hommes ? N'y a-t-il que toi et moi sur la terre ? – Mon enfant, répond la femme en tremblant, les hommes couvraient, il n'y a pas longtemps, les vallées et les montagnes, mais la bête, dont la voix fait trembler les rochers, les a tous dévorés. – Où est cette bête ? – La voilà tout près de nous. Litaolané prend un couteau et, sourd aux prières de sa mère, il va attaquer le mangeur du monde."

("Kammapa et Litaolané", conte sesouto, n° 41)