Le bel été

Quand fleurit le chardon et quand la cigale bruyante, perchée sur un arbre, répand, au battement pressé de ses ailes, sa sonore chanson, dans les jours pesants de l'été, alors les chèvres sont plus grasses, le vin meilleur, les femmes plus ardentes et les hommes plus mous.
L'extrait
 
Quand fleurit le chardon et quand la cigale bruyante, perchée sur un arbre, répand, au battement pressé de ses ailes, sa sonore chanson, dans les jours pesants de l'été, alors les chèvres sont plus grasses, le vin meilleur (Virgile décalque ce vers dans les Géorgiques, I, 341), les femmes plus ardentes ("plus lascives") et les hommes plus mous ("plus faibles"). Sirius leur brûle la tête et les genoux, la chaleur leur sèche la peau. Alors puissé-je avoir l'ombre d'une roche, du vin de Biblos, une galette bien gonflée et du lait de chèvres qui ne nourrissent plus, avec la chair d'une génisse qui a pris sa pâture au bois et n'a pas encore vêlé ou d'agneaux d'une première portée. Et là-dessus, puissé-je, pour boire le vin noir, m'étendre à l'ombre, le cœur satisfait de mon festin, le visage tourné face au souffle vif du Zéphyre, et, puisant à une source intarissable et courante, que rien n'a troublé, verser pour trois parts d'eau une part de vin.
 
Ordonnez ("pousser [au combat], presser") à vos esclaves de fouler en cercle le blé sacré de Déméter, dès que paraît la Force d'Orion, dans un endroit éventé et sur une aire ronde. Mettez-le ensuite dans des vases, en le mesurant. Puis, quand vous aurez ramassé et rangé dans la maison le grain qui vous fera vivre, je vous engage à vous procurer un valet sans famille ("mercenaire sans maison"), à chercher une servante sans enfants – une servante qui a été mère est toujours pénible – et à nourrir un chien aux dents aiguës, sans épargner sur sa nourriture, si vous ne voulez qu'un "dort-le-jour" vous vienne prendre votre bien. Engrangez aussi fourage et litière, pour que vos bœufs et vos mules en aient en abondance. Après quoi, laissez vos esclaves reposer leurs genoux et dételez vos bœufs.
 
(Les Travaux et les Jours, Les Belles Lettres, 582-608)

Remarques

L'homme vit en osmose avec la terre, qui lui rapporte, à condition qu'il le mérite, tout ce dont il a besoin, en abondance. Ses esclaves et serviteurs peuvent profiter de leur temps libre… Cette image de l'agriculture en Grèce au huitième siècle av. J.-C. est-elle juste ?

Cette vision idyllique et idéologique, politiquement correcte, va s'imposer et perdurer dans le temps. Voir cependant Xénophon, sur la condition des esclaves.