Que voit-on ?

Il n'y a pas une seule façon de raconter cette scène, il n'y a pas non plus une infinité de façons de le faire : le carton est "rouge", il n’est pas "vert". Quand il y a incertitude, on peut très bien laisser les choses en suspens (nous ne sommes pas tenus d'accepter tout ce que nous ne pouvons réfuter). Le plus important est d'attribuer des "valeurs" aux objets du monde qui apparaissent à l'écran, en fonction du contexte.

"Je pourrais faire avec ma main le mouvement qu'il faudrait faire si je sciais une planche, note Ludwig Wittgenstein ; mais serions-nous en droit d'appeler ce mouvement scier, en dehors de tout contexte ? – (Cela pourrait être quelque chose de tout à fait différent !)"

Plans Que voit-on ? À quoi cela vous fait penser ?
1 (00:13) Un enfant se gratte la tête Il réfléchit ?
2 (00:34) Des femmes rigolent Bonne humeur
3 (00:43) Un homme ajuste ses gants Gardien de but *
4 (00:47) Un homme brandit un "carton rouge" Un arbitre *
5 (00:50) Un étal couvert (en arrière plan) Des cages *
(* Contexte : le match de foot, évidemment)
 

"La coopération, explique John Gumperz, suppose non seulement que la communication passe par des mots pris dans leur sens littéral mais aussi qu'il y ait, au cours de l'interaction, une construction de conventions, négociées selon la situation et permettant d'interpréter les tâches discursives."

Gumperz introduit ici la notion de "conventions de contextualisation". Celles-ci "orientent les interprétations dans telle ou telle direction. L'hypothèse de base est que quelque chose est en train d'être communiqué. Le problème réside dans la manière d'interpréter. Les jugements formulés à tout moment sont contingents : ils seront confirmés ou réfutés par ce qui se dira ultérieurement. S'ils sont confirmés, nos attentes sont renforcées : s'ils sont infirmés, nous essayons de restructurer ce que nous avons entendu et de modifier nos attentes concernant les objectifs ou l'intention des locuteurs. L'acquisition des conventions de contextualisation relève de l'expérience interactive du locuteur ; elle résulte de la participation d'un individu à des réseaux déterminés de relations."

Le "réseau" dont il est ici question regrouperait, nous dit-on, un "milliard de personnes", qui toutes parleraient le même langage.

Note

1. Engager la conversation. Introduction à la sociolinguistique interactionnelle, Les éditions de minuit, 1989, p. 23-24.