Gérer la pluralité

On en est arrivé à un modèle relativement uniforme de l’apprentissage scolaire des langues essentiellement centré sur les tâches, l’approche actionnelle, etc. L’important était la capacité à agir dans telle circonstance à l’oral, à l’écrit, en production longue, etc. Mais il y avait d’autres idées dans le Cadre européen qui ont été peu reprises ultérieurement.

Avec le portefeuille plurilingue (1), par exemple, on voulait inscrire l'apprentissage des langues dans la durée en partant du principe que la diversité était une nécessité : il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ! On doit avoir la possibilité d'apprendre plusieurs langues à l'école, quitte à en laisser tomber certaines par la suite.

Il s’agissait également de construire une véritable culture d’apprentissage. Les gens qui sortent de l’école doivent être en mesure de continuer à apprendre. Pour cela, il faut qu’ils soient exposés, dans le cadre scolaire, à différentes formes d’apprentissage.

"La responsabilité de l'école est de transmettre
différentes manières d'apprendre."

Actuellement, on retombe dans des formes d’uniformisation des démarches, alors qu’il ne faudrait pas hésiter, au contraire, à les diversifier. Les enseignants le font, dans leur contexte respectif, mais il me semble que cela devrait être un peu plus thématisé didactiquement aujourd’hui. Il faut combattre l’idée selon laquelle toute une génération devrait apprendre par des méthodes audiovisuelles uniquement, toute une autre génération par des méthodes dites communicationnelles, et ainsi de suite, quelle que soit la langue. La responsabilité de l'école est de transmettre différentes manières d’apprendre (2).

Enfin, l’apprentissage des langues devait s’inscrire dans un projet éducatif global, s’intégrer bel et bien dans un projet d’école, de citoyenneté, dans un projet de cohésion sociale, pour reprendre des termes qui sont chers au Conseil de l’Europe.

Les langues doivent s’articuler autour des valeurs qui sont celles des systèmes éducatifs, notamment européens. Le marché ne doit pas être la seule perspective : trouver du travail, gagner plus. L’école, ça n’est pas seulement ça. L’école forme des acteurs sociaux qui doivent pouvoir s’appuyer sur cette dimension plurilingue et interculturelle. Elle leur est utile non seulement pour opérer dans les sociétés d'aujourd’hui mais pour y opérer en tant qu’acteurs responsables, et solidaires si possible.

Notes

1. Un "portefeuille" plurilingue, au sens presque boursier du terme, même si cette métaphore peut paraître un peu dangereuse aujourd'hui…
2. Les portfolios européens des langues incitent les apprenants et les enseignants à réfléchir sur leurs pratiques.